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Ciel ondulant

MétéoSuisse-Blog | 16 avril 2024
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Ce mardi matin, certains indices nuageux ont révélé un radical pivotement des vents d’altitude par rapport à la veille. Des nuages particulièrement esthétiques se sont formés, affichant une étonnante fixité par rapport au sol alors que les vents d’altitude sont forts. Explications dans ce blog d’un phénomène météorologique qui s’offre à nos yeux grâce à ces nuages.

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Ondulations sous le vent du relief

Comme annoncé dans notre blog d’hier, les vents d’altitude se sont renforcés cette nuit et ont pivoté au nord-ouest, devenant alors sensiblement perpendiculaires à la crête du massif du Jura ce matin. Des motifs nuageux en bancs parallèles à la crête du Jura se sont alors matérialisés au-dessus du Plateau, et étaient visibles aussi bien du sol qu’avec du recul depuis l’espace. Voyez plutôt l’animation satellite ci-dessous.

Ces bancs de nuages parallèles sont en fait la conséquence des ondulations de l’air dont l’écoulement a été dévié par un relief, en l’occurrence la crête du Jura. Sur le versant au vent du relief, l’air est dévié vers le haut : en s’élevant, il se refroidit par détente et peut condenser (si l’humidité de l’air est suffisante), formant des nuages et éventuellement des précipitations. Sous le vent du relief, l’air redescend la pente, se comprime, se réchauffe et s’assèche, ce qui dissipe les nuages. Cette bande de ciel dégagé sous le vent d’une crête est classiquement appelée « trou de foehn » dans le jargon météorologique. En effet, c’est par effet de foehn que cette bande de ciel est claire.

Si l’atmosphère est stable et que la force du vent augmente avec l’altitude, l’air peut rebondir sous le vent du relief, à l’image des vagues à la surface de l’eau produites par un caillou. L’écoulement peut ainsi onduler plusieurs fois, parfois loin en aval du relief générateur, comme le montre le schéma ci-dessous. Chaque « vague » atmosphérique correspond à un ressaut : sur la partie ascendante du ressaut, l’air s’élève, se refroidit par détente et finit par condenser. La condensation, qui se caractérise par l’apparition des premières gouttelettes d’eau, signe la formation d’un nuage. Au contraire, sur la partie descendante de la vague, l’air descend, se réchauffe par compression et s’assèche, ce qui dissipe le nuage.

La forme des nuages nous renseigne directement sur la nature de l’écoulement qui leur donne naissance :

  • La partie supérieure de l’écoulement, laminaire (non turbulent), présente des nuages de type lenticulaires, à l’aspect lisse et en forme de lentille (on parle aussi de « poissons de foehn »)
  • La partie inférieure de l’écoulement, turbulente par les frottements de l’air avec le sol, sera parée de nuages de type rotor ou fracto-cumulus, à l’allure déchiquetée et en rotation sur eux-mêmes.

Cette différenciation de forme en fonction de la nature de l’écoulement est parfaitement visible sur le timelapse ci-dessous pris depuis l’une de nos webcams sur l’aéroport de Genève orientée vers le Jura

Ce phénomène fait partie des ondes orographiques, c’est-à-dire des ondes engendrées par un relief. Il existe de multiples types d’ondes dans l’atmosphère, de gravité, de friction, qui peuvent dans certaines conditions réunies ce mardi matin être révélée par des nuages plutôt photogéniques.

Stationnarité par rapport au sol

Comment ces nuages peuvent-ils être immobiles par rapport au sol alors que les vents sont forts en altitude ? La réponse se trouve dans la stationnarité des ressauts d’onde par rapport au sol tant que le vent ne change pas significativement de direction ni de force. En conséquence, les zones d’ascendance et de descendance sont elles aussi fixes par rapport au sol, et ainsi les nuages.

Un phénomène qui fait le bonheur de certains…

Ces ondes orographiques sont d’intensité variable, en fonction de la stabilité de la masse d’air, de la force du vent à l’altitude des crêtes et de l’évolution du vent en altitude. Les vitesses verticales associées à chaque ressaut peuvent varier de 1 à 10 m/s dans les cas les plus extrêmes et peuvent alors être ressenties par les avions de ligne qui naviguent à travers les ressauts successifs. Les pilotes de planeur utilisent régulièrement la partie ascendante de ces ressauts pour prendre de l’altitude et accomplir de grands vols au-dessus des Alpes ou du Jura, quasi-exclusivement grâce au moteur atmosphérique. Si l’on jette un coup d’œil aux planeurs en vol ce mardi, on voit qu’effectivement sous le vent des Alpes, donc versant sud des Alpes, il y a foule en l’air, et à des altitudes jusqu’à 6000 m !