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Pourquoi les saisons sont dissymétriques

MétéoSuisse-Blog | 14 avril 2024
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Dans nos régions, un temps printanier et un temps automnal désignent choses bien différents, tant visuellement qu'au niveau du ressenti. Dans ce blog nous tâcherons de récapituler les origines physiques de cette dissymétrie.

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Aux latitudes moyennes où se trouve la Suisse, l’alternance des saisons est d’abord dictée par la durée du jour et la hauteur du soleil dans le ciel (ça va ensemble!), qui apportent à une surface donnée davantage d’énergie en été qu’en hiver. De là vient le cycle annuel que nous connaissons avec une période chaude, une période froide et deux périodes de transitions, qu'on a pris l'habitude d'appeler les quatre saisons. Cette affaire-là est entendue.

Maximum solaire

Un 15 avril, le jour dure treize heures et douze minutes à Payerne, soit autant qu’un 26 août. Une parcelle de terre y reçoit donc a priori autant de rayonnement solaire mi-avril et fin août. Pourtant, les températures moyennes sur ces deux périodes sont bien différentes. Sur la période 1982-2023, la température moyenne journalière pour un 15 avril était de 8,1 °C en moyenne. Pour un 26 août, elle est de 18,1 °C ! Rien à voir, donc.

Décalage saisonnier

Il est clair que les températures sur terre ne suivent pas exactement les courbes d’énergie solaire reçue. Si tel était le cas, le cœur de l’été se situerait autour du solstice d’été (21 juin) alors qu’on l’observe plutôt autour de fin juillet en moyenne, et la période la plus froide vers le solstice d’hiver (21 décembre) plutôt qu’entre début janvier et mi-février.

On comprend cela très intuitivement : le système a une inertie thermique, qui provoque le décalage entre le solstice d’été et les températures les plus hautes, et idem l’hiver. À cause de ce « retard saisonnier », on ne doit certainement pas s’attendre à ce que le temps d’un 26 août ressemble à celui d’un 15 avril.

Pour retrouver une température moyenne du même ordre qu’un 15 avril, il faut pousser jusqu’au 29 octobre : à nouveau, la moyenne sur 40 ans de mesures donne 8,1 °C de température moyenne à Payerne.

Mais là encore la dissymétrie est flagrante : un temps de mi-avril ne ressemble à rien moins qu’à un temps de fin octobre !

Maximum instable

La différence principale ici est à chercher au-dessus de nos têtes, et nous pouvons la mettre en évidence avec les températures issues des radiosondages quotidiens de Payerne, en altitude (850 hPa correspondant à environ 1500 m d’altitude, et 500 hPa à 5500 m. Explications dans le blog de vendredi sur le géopotentiel).

On a ici la mise en évidence du fait que l’atmosphère se réchauffe « par le bas », c’est-à-dire au contact d’un sol chaud, qui est lui-même chauffé par le rayonnement solaire direct. La haute atmosphère a donc une inertie supérieure, puis que son réchauffement au cours de la saison chaude se faire par des voies détournées.

En avril c'est donc un sol déjà relativement chaud qui se trouve sous une masse d’air encore froide en altitude. Ce gradient de température important, notamment dans les basses couches de l’atmosphère, favorise l’instabilité : c’est la période de l’année où le cumulus règne en maître dans le ciel. Inversement en octobre c’est un sol déjà froid qui se trouve sous une masse d’air encore douce, donc l’atmosphère tend à être stable, et c’est déjà du stratus qu’on pourra rencontrer.

Bien sûr, ces tendances générales n’empêchent pas qu’on puisse observer des masses d’air stables au printemps et des cumulus à l’automne ! Mais l'essentiel de la dissymétrie "visuelle" provient du retard de réchauffement de l'atmosphère par rapport au sol. On peut visualiser cette dissymétrie en observant la différence moyenne de température au cours de l'année entre une station de plaine (Payerne) et une station de montagne (ici le Jungfraujoch). Plus cet écart est important, plus cette tranche d'atmosphère est instable.

Dans les régions montagneuses, cette tendance est accentuée à plus petite échelle par la persistance de la neige au printemps sur les hauts massifs. Les parapentistes qui volent dans les Alpes seront les premiers à confirmer que les ascendances thermiques sont en général bien plus puissantes en avril que fin octobre.

Bref : le « maximum instable » sera donc décalé avant le « maximum solaire », tandis que le « maximum chaud » sera plutôt décalé après. La combinaison des trois génère l'essentiel des différences visuelles entre nos saisons de transitions.

D'autres dissymétries...

Dans les régions plus proches de la mer, cette dernière vient apporter une influence majeure : celle de l’inertie thermique de la mer ou de l’océan, bien plus grande que celle de la terre. Par exemple la Méditerranée, encore relativement froide au printemps, aura tendance à apporter de la fraîcheur et de la stabilité aux régions côtières, tandis à l’automne l’air venu de la mer apportera au contraire plus de douceur et d’instabilité dans l’intérieur des terres... d'où la période privilégiée pour les épisodes méditerranéens. À l'automne les orages se formeront préférentiellement en mer, ou sur une masse d'air d'origine maritime, au printemps ils se déclencheront surtout en montagne dans les terres.

À l’échelle du globe, on peut ajouter le rôle de l’inertie différenciée entre le nord et le sud (conséquence de l’inertie thermique supérieure des océans par rapport à la terre, et du fait que l’hémisphère sud a moins de terres au moyennes latitudes : les saisons de l'hémisphère nord ont un contraste plus important que celles de l'hémisphère sud, et entraînent avec elles les variations saisonnières de température globale).

Aux latitudes plus élevées que la nôtre, on peut aussi évoquer le rôle de la neige gisante qui accentue le retard saisonnier du printemps sans augmenter celui de l’automne. Enfin, selon les régions, le cycle de la végétation interagit aussi avec cet ensemble de systèmes, en changeant l’aspect (l’albédo) du sol et l’humidité disponible dans les basses couches de l’atmosphère.

Ces cycles multiples, interdépendants et légèrement décalés les uns des autres, déterminent dans les grandes lignes le type de temps auquel on peut s’attendre selon la saison. Dans les détails, c’est une autre affaire, pour laquelle il vaut mieux consulter le bulletin de prévision !