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Climatologie du système solaire : Vénus

MétéoSuisse-Blog | 04 mai 2024
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Après un premier épisode consacré à Mercure, partons aujourd’hui du côté de Vénus, la « sœur jumelle infernale » de la Terre. Ici pas de risque de coups de soleil, mais pensez à vous hydrater, il va faire chaud !

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Avant toute chose, un grand merci aux relectrices et relecteurs attentifs du blog sur Mercure, lequel entretenait une confusion entre les jours solaires et sidéraux sur cette planète, la durée du jour solaire y étant bien plus longue que celle du jour sidéral en raison de la lenteur de la révolution de Mercure autour du Soleil.

Après une visite de Mercure, qui nous a montré des différences de températures extrêmes, plongeons-nous aujourd’hui dans les brumes vénusiennes. Cette planète est très semblable à la nôtre : un rayon de 95 % de celui de la Terre, une masse de 82 % de la nôtre pour une gravité en surface à peine plus basse que sur la Terre. Elle se trouve aux trois-quarts de la distance Terre-Soleil et reçoit environ un tiers de rayonnement solaire de plus que la Terre. Ces similitudes lui valent le surnom de « sœur jumelle » de la Terre.

C’est d’ailleurs une planète qui a beaucoup attisé la curiosité humaine : c’est la planète la plus lumineuse du ciel et on retrouve des références à Vénus dans de nombreuses civilisations. 28 missions spatiales ont été lancées pour étudier Vénus, de Venera 1 en 1961 à la mission Akatsuki actuellement en cours. À noter que 4 engins se sont déjà posés avec succès sur la surface de Vénus, tous issus du programme Venera de l’URSS. Ils nous ont fourni les uniques images disponibles depuis la surface, que vous pouvez découvrir ci-dessous. Ces sondes nous ont également apporté les seules analyses du sol de Vénus. À noter que des ballons ont été lâchés dans l’atmosphère vénusienne par d’autres missions.

Une planète qui tourne à l’envers, une atmosphère dense et intense

Sur Vénus, une année dure 225 jours terrestres et elle tourne sur elle-même en 243 jours. Cependant, elle ne tourne pas sur elle-même dans le même sens que les autres planètes du système solaire. Le Soleil s’y lève à l’ouest et se couche à l’est. Par conséquent, la durée du jour solaire, c’est-à-dire le temps que le Soleil met à retrouver la même place dans le ciel, est donc « seulement » de 117 jours.

Un voyageur de Vénus aura cependant peu de chances d’admirer un lever de soleil à l’ouest. En effet, la planète possède une atmosphère quasiment opaque. L’atmosphère vénusienne, composée à 96 % de gaz carbonique, est bien plus dense que sur la Terre. La pression au sol est comparable à la pression à 900 m sous l’eau sur la Terre ! De quoi mettre à mal des engins se posant à la surface (les atterrisseurs de Venera n’ont d’ailleurs survécu que quelques heures et ont tous connu d’importants dysfonctionnements).

L’atmosphère de Vénus est composée d’une première couche d’environ 50 km, relativement transparente, contenant essentiellement du CO2. Au-dessus, se trouve une couche nuageuse d’environ 20 km d’épaisseur. Mais nulle question de nuages de vapeur d’eau : ceux-ci sont composés majoritairement d’acide sulfurique (et quand même d'un quart d’eau). Ces nuages donnent à Vénus son aspect blanc laiteux et reflètent la majorité du rayonnement solaire. En effet, 77 % de la lumière du Soleil est directement reflétée (la Terre n'en reflète que 30 %) et une petite partie du rayonnement atteint le sol, le reste étant absorbé en chemin. La luminosité au sol est donc celle d’une journée très nuageuse sur Terre. De plus, la densité de l’atmosphère cause une forte réfraction de la lumière, limitant la visibilité horizontale à quelques kilomètres.

Un effet de serre extrême dans une atmosphère dynamique

Nous avons dit que l’atmosphère était principalement composée de CO2 : ceci rend l'effet de serre extrême ! Alors que sur Terre, l’effet de serre cause une augmentation de 33 °C (comparée à la température qu’aurait la Terre sans atmosphère), sur Vénus, on parle de plusieurs centaines de degrés et la température moyenne à la surface est de 460 °C, ce qui en fait la planète la plus chaude du système solaire.

L’effet de serre de Vénus a un autre impact important. Bien que la nuit y dure 2 mois terrestres, les températures de surface de Vénus, en tous points, varient uniquement entre 445 °C et 480 °C et la différence est due principalement aux différences d’altitude.

La circulation atmosphérique est très dynamique sur Vénus. Entrainées par une forte convection, des cellules de circulation dans la haute atmosphère se forment de l’équateur aux pôles. Ce système tourne autour de la planète dans une direction est-ouest à une vitesse assez élevée. Les vents de haute altitude atteignent 350 km/h, compliquant passablement une approche vers la surface. Ces vents sont causés par l’équilibre entre les différences de pression et la force centrifuge (contrairement à la Terre où la force de Coriolis joue ce rôle). La vitesse de rotation des vents n’est pas uniforme, elle est plus importante aux latitudes moyennes. Cette circulation active contribue, avec l’effet de serre, à la température très uniforme de la planète. Autour de chaque pôle, on trouve deux vortex, comme deux ouragans géants, en rotation l’un autour de l’autre.

Plus proche de la surface, les vents sont plutôt calmes, de l’ordre de quelques kilomètres par heure. Cependant, avec la forte densité de l’atmosphère (6 % de la densité de l’eau), ces vents agissent comme un lent courant marin, capable de déplacer des objets légers à la surface. De la « pluie » d’acide sulfurique se forme dans les nuages vénusiens. Ces précipitations n’atteignent jamais la surface, elles forment ce qu’on appelle des virgas, c’est-à-dire qu’elles s’évaporent avant d’arriver au sol.

Un passé volcanique mouvementé

Bien que le passé vénusien ne soit pas totalement connu, un certain nombre d’indices laissent penser que, par le passé, les conditions y étaient plus clémentes. Il y aurait même eu de l’eau liquide à la surface jusqu’à il y a environ 750 millions d’années. À cette période, une phase de volcanisme très intense aurait remodelé totalement la surface de la planète et libéré les grandes quantités de CO2 et de soufre que l’on retrouve dans l’atmosphère. L’augmentation du CO2 aurait grandement renforcé l’effet de serre pour faire d’une planète potentiellement habitable « l’enfer » que nous observons aujourd’hui. De nombreux volcans sont visibles sur Vénus, et des études suggèrent que l’activité volcanique est toujours en cours aujourd’hui.

Cette hypothèse sur l’histoire de Vénus n’est pas la seule. D’autres hypothèses existent, comme une augmentation du rayonnement solaire ayant entraînée un réchauffement qui aurait lui-même entraîné par effet de rétroaction un emballement de l’effet de serre.

Des orages sur Vénus ?

La présence d’orages sur Vénus est aussi un mystère qui entretient un débat au sein de la communauté scientifique depuis près d’un demi-siècle. En 1978, l'engin spatial de la NASA Pioneer Venus s'est mis en orbite autour de planète. Presque immédiatement, la sonde a commencé à capter des signaux d'ondes électromagnétiques appelés « sifflements » à des centaines de kilomètres au-dessus de la surface de la planète. Pour de nombreux scientifiques, ces signaux rappelaient un phénomène bien connu sur Terre : la foudre (c'est d'ailleurs ce que nous utilisons à MétéoSuisse pour localiser les impacts de foudre). Les signaux enregistrés suggéraient même une activité électrique 7 fois plus grande que sur Terre, et aucune preuve formelle qu'un autre phénomène soit en cause n'existait.

En 2021, la sonde Parker Solar Prob, destinée à étudier le Soleil, a effectué « en passant » un survol proche de la surface de Vénus. La sonde a analysé ces « sifflements » et les résultats montrent qu’au lieu de se propager de la surface à l’espace, comme on l’attendrait si produits par des éclairs (oui, oui, sur Terre les éclairs se propagent aussi de la surface vers l'atmosphère, contrairement parfois aux apparences), ils se propagent dans l’autre sens ! D’autres hypothèses, comme la désintégration de météorites dans l’atmosphère, pourraient expliquer ce signal. La question reste ouverte à ce jour et le dernier survol de Vénus par Parker Solar Prob prévu en novembre de cette année pourrait aider à percer ce mystère.